TEXTE PROSPECTIF : L’AVENIR DES BIOFACTURES ?
Si tout s’est arrêté brusquement suite à la propagation d’un virus, la vie autour de nous, elle, continue de grandir et s’étend là où nous ne sortons plus fouler le bitume. Peut-être était-ce une volonté de la nature de nous mettre à l’écart pour éveiller notre conscience. Forcé à rester cloisonné chez lui, l’Homme est passé par plusieurs phases : le choc, le déni, la colère, la tristesse, la résignation, l’acceptation, la reconstruction. C’était une rupture avec l’extérieur, avec ses habitudes mécaniques et compulsives liées à une société axée sur la consommation. Il était temps de réapprendre à prendre son temps.
C’est grâce à ce temps de crise qu’il a enfin vu le potentiel de ce qui se trouvait depuis toujours si près de lui, qu’il a enfin collaboré avec la nature sans lui nuire mais tout en l’exploitant en faveur de l’Homme. Un nouveau monde s’est mis en place, un monde où les matériaux ne sont plus fabriqués mais cultivés. Un monde où les manufactures industrielles ont été remplacées par des manufactures biologiques appelées biofactures où le naturel devient matière. Nous ne vivons désormais plus dans une société régie par un système économique axé sur la consommation, mais dans une société éco-responsable et auto-suffisante régie par le fonctionnement-même de la nature. En effet, dans la nature, chaque chose, chaque matériau a un but précis, et une fois qu’il a achevé ce but, il est transformé, décomposé sous une autre forme. Elle ne produit aucun déchet. Dans notre ère de production excessive de déchets, il nous fallait repenser le cycle de vie de l’objet.
Imaginez des matériaux, des produits qui se dégradent sans laisser de trace et se limitent à leur temps de vie utilitaire, imaginez une réduction conséquente de votre production de déchets, de votre consommation d’énergie et des émissions de carbone tout en réduisant les coûts de production. C’était dans cette optique que le fait de prévoir la mort d’un matériau est devenu une force d’innovation. La non pérennité d’un objet ne lui enlève en aucun cas sa valeur comme on pourrait le penser, au contraire, elle la renforce. Il existe deux conditions pour qu’un objet ne génère pas de déchets. La première est la modularité : elle consiste à être en mesure de désassembler l’objet et ses différents composants facilement de manière à pouvoir le réparer ou le recycler facilement. La deuxième est la circularité qui ,sur le modèle de la nature, prend en compte l’entièreté du cycle de vie de l’objet sous le schéma d’une boucle sans fin. La matière occupe donc une place considérable au sein de cette réflexion, c’est pourquoi ingénieurs, scientifiques et designers ont mené des recherches sur le potentiel de remplacer nos anciennes habitudes de production de plastique par des matériaux vivants.
Les matériaux de construction basiques ont été repensés, des alternatives innovantes et durables ont été trouvées à travers un nouveau composant produit à partir de matières vivantes : le mycélium qui n’est autre que des racines de champignon. Non toxique, biodégradable, résistant au feu et à l’eau, il est aujourd’hui au cœur de nos modes de vie. Peu coûteux, facile à cultiver et rapide à se développer, il remplace le cuir, le bois, la pierre. Avant d’arriver au cœur des biofactures, des moyens et des process de culture de mycélium sur différents supports et pour différentes applications ont été mis à disposition afin de promouvoir la production biologique chez soi. Cette démarche reprenait les idéologies du Slow design, un mode de création en réaction à la frénésie, à l’accélération effrénée de la production et de la consommation en mettant à l’honneur les vertus de la lenteur, de l’usure, du durable. Les champignons poussent partout à la manière de mauvaises herbes, ils se trouvent même dans le commerce, c’est une ressource abondante et locale que chacun s’amuse à transformer chez soi sous la forme qui lui plaît. Le mycélium se développe, s’agglomère dans des briques, dans des moules, se tisse dans des broderies, dans des tissages et se développe, il croit et vie au milieu de la matière en s’étendant sur son support. En tant que brique, il peut être utilisé dans la construction ce qui laisse place à des habitations qui en plus de renfermer la vie sont vivantes, les maisons grandissent et vieillissent avec leurs habitants. Cela devient aussi le cas pour les vêtements et les objets. Il a une véritable corrélation entre l’acquéreur et l’objet, ils sont en harmonie. Ce matériau évolutif offre diverses possibilités puisque différents types de souches peuvent être utilisées. Parmi les plus fructueuses on nomme Ganoderma lucidum, Ganoderma tsugae, Ganoderma oregonense, Trametes versicolor, Piptoporus betulinus, Pleurotus ostreatus et fomes fomentarius. Cette transparence des systèmes de production, cette expérience produit positive et provocatrice de conscience pousse notre société à tendre vers cette philosophie du Slow design et annonce l’essor du design Vivant.