La biomatériauthèque,
Emilia Pesty
Les biomatériaux, pour un futur plus responsable
Lors de ma deuxième année de DNMADe Graphisme, option textures recherches et prospectives, nous avons entamés un workshop de 6 semaines avec deux membres du collectif Data Paulette: Audrey Briot et Martin Debie. Ce workshop intitulé laboratoire nous a proposé un cadre de recherche d’expérimentations autour des questions de bio design et d’hybridation entre savoir faire et technologies numériques. Lors de la présentation des différentes pistes de recherches possibles j’ai été particulièrement attirée par la création de biomatériaux.
Dans un monde où les ressources deviennent de plus en plus rares, il est important de re penser un design plus durable et respecteux de l’envirronement.
Les biomatériaux sont des matières premières renouvelables et biodégradables qui offrent parfois une alternative aux matériaux d’origine fossile non renouvelables. Ils peuvent être issus des produits et sous-produits des céréales (amidon, gluten), oléagineux et protéagineux (protéines) ou encore des plantes fibreuses (cellulose). Ils permettent de fabriquer des biopolymères (films et emballages) et des agromatériaux composites (revêtements, garnitures automobile, isolants,…).Les bioplastiques sont biodégradables et permettent ainsi une gestion des déchets plus éfficace et responsable. Avec l’accélération de la consommation, l’humain génère de plus en plus de détrituts, qui deviennent difficilement stockables.
De plus, le plastique est une matière très difficile à recycler, car la première étape de leur recyclage,le tri, n’est souvent pas respectée.Pour recycler la matière plastique, il est nécéssaire de les séparer en deux familles, d’une part les PET (Polyéthylène Téréphtalate ou dit basse densité) ou plastiques transparents et d’autre part les PEHD (Polyéthylène Haute Densité) habituellement opaques. Or cette séparation n’est pas toujours évidente et les centres de recyclage constate aussi des problèmes liés à la présence des rebuts qui crée des problèmes de transformation des mélanges plastiques et de séparation des familles chimiques.
Lorsqu’on sait qu’une bouteille en plastique met entre 100 et 1000 ans à se décomposer et qu’un sac plastique en met en moyenne 400, il est nécéssaire de trouver des alternatives plus rapides et moins polluantes. Le plastique est omniprésent dans notre quotidien et supprimer le plastique serait une veritable avancé écologique. À ce même titre, Ari Jonsson, étudiant en design de l’Académie des arts de Reykjavic, alarmé par l’utilisation intensive de plastique dit :
«Pourquoi utilisons-nous des matériaux qui prennent des centaines d’années à se dégrader pour ne boire qu’une seule fois et puis jeter ?».
Il me semble donc impératif et même urgent de modifier nos habitudes de consommation et de production de plastiques, en les remplacant par des matériaux biodégradables capable d’offrir des qualités plus respectueuse. Ce changement doit être individuel mais aussi collectif, il serait même nécéssaire d’inciter les grands groupes industriels à diminuer leur production de matières polluantes et tendre vers une production plus naturelle et écologique.
Faisant partie de la prochaine génération de designer, cette question de bio design est particulièrement importante à explorer, nous permettant ainsi d’ouvrir nos connaissances sur les possibilitées qu’un matériau naturelle puisse apporter à un futur projet.
La création de différents biomatériaux à engendré la nécéssité de documenter cette pratique, via une biomatériauthèque.
Étymologiquement une biomatériauthèque proviendrait de bio, du grec bios, la vie. Mais aussi d’une définition donnée par Ruth Oldham dans son essai, a hill made by people, dans lequel l’auteure y sépare les mots matière et matériau elle remarque que lorsque nous cherchons leur définitions dans un dictionnaire, aucun de ces mots ne s’explique sans employer l’autre. Le terme matière est plus abstrait et désigne n’importe quelle substance qui possède une masse. Tandis que le mot matériau, fait référence à un assemblage spécifique , une substance avec une taille ou une qualité particulière. Et finalement «thèque», que l’ont retrouve notamment dans bibliothèque, médiathèque ou encore cinémathèque, il provient du grec thêkê: armoire.
La biomatériauthèque est donc un véritable lieu de stockage d’expérimentations et de résultats obtenus de biomatériaux. L’objectif de cette matériauthèque vise à répertorier et classifier les échantillions obtenus lors de la création de différents types de matériaux finalement éphémère. À terme j’envisage une utilisation de la matériauthèque comme base de matériaux pour la production d’objets du quotidien en bioplastiques.
Un projet ambitieux, long et demandant une certaine rigueur.
Il est vrai que la recherche à été particulièrement compliquée, avec la crise sanitaire covid-19, l’établissement scolaire à vu ses portes se fermer le 13 mars 2020. Abandonnant derrière nous notre laboratoire, nos studios photos, et notre commande de matériel censée arriver le lundi suivant. Le suivi du projet par nos professeurs et par Audrey et Martin, s’est donc déroulé par skype, et via l’avancé du site. Il était très difficile et décourageant de poursuivre le projet sans matériel, sans cours, avec un suivi totalement différent.
Mais comme l’a très justement dit Martin Debie, «Tout bon projet de design commence avec des contraintes».
C’est donc en m’emparant des contraintes de manque de matériel (notament de glycérine introuvable en cette période de crise), de manque d’espace, d’un mode de travail tout à fait différent (on pourrait presque dire le télé-études) chamboulant toute organisation, qui m’ont bout-à-bout permit de créer une multitudes d’expérimentations auxquelles je n’aurai pas été confronté autrement.
Dans cette biomatériautèque j’ai distinguer les biomatériaux, qui sont crées de toutes pièces, et les biomatériaux qui sont issus de rebut. Ainsi, dans une première partie du protocole j’ai expérimenté les bioplastiques, puis j’ai dans un second temps, j’ai cherché à travers la matière déjà utilisé, à re valoriser nos déchets en proposant plusieurs types de matériaux de seconde vie.
Références utilisées pour l’élaboration des Bioplastiques
Research book bioplastic Juliette Pepin
Publié en 2013, Juliette Pépin, est une designer pluridisciplinaire, basée entre la France, la Belgique et les Pays-Bas. Elle est fascinée par son époque, et les paradoxes soulevés par l’avancée technologique, la rapidité, et l’hybridité de sa génération. Son travail porte aussi sur des problématiques plus “réelles” tel que la pluralité des cultures, le langage et l’éducation. Bientôt diplômée de la Design Academy Eindhoven, elle envisage de poursuivre ses études au cours d’un master de recherche spécialisé en textile. Dans son mémoire de recherche autour du bioplastique, elle classe de manière très scientifique ses différentes expérimentations. Et c’est l’esthétique de la mise en page du Mémoire qui m’a particulièrement attiré.
Bioplastic – Tools and Recipes Johan Viladrich
Designer basé à Rotterdam, Johan Viladrich, crée des meubles purs et minimalistes, en se concentrant sur les matériaux utilisés.Dans son travail, il vise à révéler la beauté des matériaux à travers des formes minimalistes. Johan attache autant d’importance à l’aspect final de ses pièces qu’aux mécanismes qui les font exister. Tools and recipes on bioplastics. Collection of material samples, est une recherche de biomatériaux publié en 2014. À la lecture de son mémoire, j’ai apprécié l’ésthétique très minimaliste, une mise en page éfficace mêlant photographies et tableaux de données.
Bouteille d’eau entièrement biodégradable Ari Jonsson.
«Pourquoi utilisons-nous des matériaux qui prennent des centaines d’années à se dégrader pour ne boire qu’une seule fois et puis jeter ?».
Alarmé par l’utilisation intensive de plastique, cet étudiant en design de l’Académie des arts de Reykjavic (en Islande) a cherché des solutions alternatives plus respectueuses de l’environnement. Ainsi, après de nombreux test, il décide d’utiliser les algues, plus particulièrement de la poudre d’agar-agar comme matériau de base pour la conception d’une bouteille 100% biodégradable et qui ne comporte donc aucun risque si elle est rejetée dans l’océan. Le procédé est très simple, en chauffant l’agar-agar gélifié et en le placant dans un moule, Ari lui donne la forme qu’il souhaite. Préalablement placé au congélateur, le moule offre un choc thermique qui permet la modification de son aspect. La bouteille solide est ensuite sortie du moule après avoir été plongée dans un seau d’eau glacée. Elle se dégrade dès qu’elle est vide et permettrait ainsi de limiter le plastique produit et rejeté dans la nature. Elle peut néanmoins donner un arrière-goût salé à l’eau. Autre particularité, elle est consommable.
série de couverts jetables en bioplastique par Qiyun Deng de Benwu Studio.
Benwu Studio a été fondé à New York en 2012 par les designers chinois Hongchao Wang et Peng You. Le duo axe principalement ses conceptions sur l’expérience des matériaux et la recherche artisanale. Qiyun Deng, une designer produit diplômée de l’ECAL à Lausanne. Elle est à l’origine du projet « Graft », une série de couverts jetables en bio-plastique fortement inspirée de la nature et plus particulièrement des légumes. En effet, une tige de céleri peut servir de poignée de fourchette, une feuille d’artichaut devient le cuilleron ou encore un poireau prend la forme d’un couteau. Un rendu si bluffant et si mignon, qu’on aura du mal à les jeter après utilisation.
Ces deux derniers projets m’ont particulièrement inspirés, puisqu’à terme j’envisage une utilisation de la biomatériauthèque comme base de matériaux pour la production d’objets du quotidien en bioplastiques.
SEAmpathy Daniel elkayam
Basé à Jérusalem, Daniel Elkayam, présente SEAmpathy un projet qui explore l’utilisation des algues pour fabriquer une série de matériaux végan, les algues pour envisager un processus de conception plus durable.
Pantone Pairings par David Schwen
Graphiste et illustrateur basé à Minneapolis, David Schwen, signe une série de photos sur Instagram, intitulée Pantone Pairings. Il reprend le fameux nuancier Pantone et remplace pour chaque échantillon, la zone colorée par un aliment et lui donne le nom correspondant. Une classification d’échantillonnage alimentaire qui m’a notamment inspiré.
Devon made glass Devyn Ormsby
Devyn Ormsby, artiste néozélandaise, diplômée de l’Elam School of Fine Arts (Hons), elle travaille désormais dans un studio de verre à Auckland, en Nouvelle Zélande. Chaque pièce est fabriquée à la main en utilisant une technique de moulage à la cire perdue. Ce processus implique de nombreuses étapes différentes pour atteindre le résultat final. Dans un premier temps elle mouille la cire. Ceci est suivi par la construction d’un moule de contour (composé d’un mélange plâtre / silice) autour du modèle en cire. Une fois prise, la cire est cuite à la vapeur, laissant une copie positive. Le moule de contour est ensuite séché et chargé dans un four pour être cuit. Au fil du temps, le verre solide fond progressivement dans l’espace positif remplissant une forme positive. Le moule de contour maintenant «cuit» peut être cassé, c’est ce qu’on appelle le désinvestissement. Révéler un objet en verre. Celui-ci est ensuite travaillé à froid, poncé et poli.
Autres références:
L’article A hill made by people Ruth Oldham
Pour la conception du scénario de prospective, je me suis inspirée d’un article de Bruno Latour, imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production avant-crise.