Rachel Demeuse
Note réflective :
Le 24 aout 2024, à 19h30, un jet privé se pose sur les pistes de l’aéroport de Bourget en région parisienne. A bord, le milliardaire franco-russe de 39 ans, Pavel Durov. Si le PDG de Telegram, avait prévu de diner à Paris, ses plans vont être compromis : il est arrêté par la police et placé en garde à vue. Les raisons de cette arrestation sont petit à petit dévoilées. Selon le mandat d’arrêt de l’Office mineurs (Ofim) Telegram est accusé d’héberger sur sa plateforme des groupes exerçant des activités illégales et surtout, de ne pas répondre aux réquisitions judiciaires. Rapidement, le réseau social X s’enflamme, le #FreePavel est vivement partagé et le patron de la plateforme, Elon Musk tweet « Liberté. Liberté ! Liberté ? » accusant la France de nuire au principe de liberté d’expression.
Une question s’impose alors, il s’agit de la problématique de notre sujet de recherche : Dans quelle mesure la liberté d’expression doit-être limitée sur Telegram au nom de la garantie des droits de l’homme ?
A l’image de l’arrestation de Pavel Durov, les rôles de la justice et du droit du numérique sont centrales pour appréhender cette question. L’enjeu de la régulation des plateformes numériques constitue une préoccupation majeure de l’Union Européenne et de l’Etat français. Dès 2004, la Loi n° 2004-575[1] pour la confiance dans l’économie numérique stipulait que les plateformes numériques ne sont pas pénalement responsables des messages publiés par les utilisateurs dans la mesure où elles suppriment rapidement les contenus illégaux. En décembre 2020, la Commission européenne avec le DSA (Digital Services Act) a développé cette loi en y ajoutant les devoirs de transparence sur les moyens de modération mis en œuvre. Ces lois visent à permettre aux plateformes de se développer tout en évitant la prolifération de contenus illégaux en ligne. Contrairement à presque toutes les plateformes (Youtube, Facebook, Instagram…) Telegram ne respecte absolument pas ce cadre.
A titre d’exemple, les plateformes en ligne sont régulièrement réquisitionnées dans le cadre d’enquêtes criminelles pour fournir des documents, des informations permettant de constituer des preuves. Toutefois, Telegram refuse presque systématiquement de collaborer. En juillet 2024, l’Ofim chargé de la lutte contre les violences faites aux mineurs, enquêtait depuis six mois sur les contenus pédopornographiques sur Telegram. Les équipes du réseau social avait refusé de communiquer des informations qui auraient pu permettre d’identifier un pédocriminel français.
Sorti de garde à vue quelques heures plus tard, Pavel Durov est placé sous contrôle judicaire pour l’ensemble des chefs d’accusation que nous avons énoncé avec interdiction de quitter le territoire français. Un mois après son interpellation, sous la pression de la justice française, Telegram semble adopter de nouvelles mesures de modérations. En effet, Pavel Durov a déclaré que « les adresses IP et les numéros de téléphone portable de ceux qui violent [les] règles [de Telegram] pourront être communiqués aux autorités » en charge des enquêtes judicaires. Selon lui, ces mesures devraient « décourager » les criminels. En matière de modération, Telegram semble également évoluer, dans la mesure où les contenus problématiques identifiés par une « équipe de modérateurs » ne sont désormais plus accessibles dans le moteur de recherches.
Incontestablement, ces mesures visent à améliorer l’image de Telegram, leur réelle effectivité reste incertaine tout comme l’issu du procès de Pavel Durov.
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000801164
Bibliographie :
MATTHEWS Owen. 26/08/2024. “L’arrestation de Pavel Durov, fondateur de Telegram, est”une solution du XXe siècle à un problème du XXIe”. Courrier International. URL : https://www.courrierinternational.com/article/telegram-l-arrestation-de-pavel-durov-le-fondateur-de-telegram-est-une-solution-du-xxe-siecle-a-un-probleme-du-xxie_221466
MURPHY Hannah et KLASA Adrienne. 30/09/2024. “La modération de Telegram, le maillon faible de Pavel Dourov”. Courrier International. URL: https://www.courrierinternational.com/article/messagerie-la-moderation-de-telegram-le-maillon-faible-de-pavel-dourov_221617
BADOUARD Romain. 2021. “Les enjeux de la modération des contenus sur le web”. La revue européenne des médias et du numérique, Panthéon Assas. URL : https://la-rem.eu/2021/11/les-enjeux-de-la-moderation-des-contenus-sur-le-web/
LELOUP Damien. 01/09/2024. “Régulation des réseaux sociaux : entre le marteau de la justice pénale et l’enclume de l’UE”. Le Monde. URL : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/09/01/regulation-des-reseaux-sociaux-entre-le-marteau-de-la-justice-penale-et-l-enclume-de-l-ue_6301126_4408996.html
LELOUP Damien, SIX Nicolas et DEFER Aurélien. 01/09/2024. “Arrestation de Pavel Durov en France : le récit d’une semaine retentissante.”. Le Monde. URL : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/09/01/arrestation-de-pavel-durov-en-france-le-recit-d-une-semaine-retentissante_6300773_4408996.html
Agence France Presse. 23/09/2024 “Telegram modifie ses règles pour collaborer davantage avec la justice.”. TV5 Monde. URL : https://information.tv5monde.com/economie/telegram-modifie-ses-regles-pour-collaborer-davantage-avec-la-justice-2741074